Vous avez toujours tout voulu savoir sur la culture des fraises espagnoles ?

Pour

- comprendre comment elles sont cultivées
- comprendre qu'acheter à contre-saison  (des fraises en hiver, des melons en début de printemps....) a un impact sur l'environnement

Regardez France 5 mardi soir à 20h35





Article de France 5 


Cultivée de manière intensive depuis les années 1980 dans le sud de l'Espagne, la fraise d'hiver andalouse est à l'origine d'une multitude de dégâts sociaux et environnementaux. Un exemple de plus des dérives qu'engendre la course au profit de l'économie mondialisée.

Les serres de culture ©Cinétévé Les serres de culture
©CinétévéA perte de vue, des champs interminables, des centaines de kilomètres de sillons que recouvre un épais plastique noir. Dans la province espagnole de Huelva, les fraises sont une bénédiction. Pour tout le monde ici, c'est même « l'or rouge ». Les exploitations agricoles tournent à plein régime grâce à une manne de travailleurs précaires que les autorités font venir sous contrat d'origine d'Afrique, d'Amérique latine ou d'Europe de l'Est. En dix ans, leur nombre est passé de 6 000 à 80 000 en pleine saison. « En général, on préfère embaucher des femmes parce qu'il a été démontré que la femme s'adapte mieux que l'homme à ce type de travail, explique Eduardo, le responsable du recrutement local des saisonniers. Le fait de s'accroupir, de rester penché pendant six heures et demie d'affilée, tous les hommes ne sont pas capables de le supporter. Les femmes, si. Il peut y avoir des exceptions, mais c'est prouvé : la femme est mieux préparée que l'homme à faire ce genre de travail. » Les saisonnières ©Cinétévé Les saisonnières
©CinétévéPar autocars entiers, les ouvrières agricoles débarquent donc de Roumanie, de Pologne ou du Maroc. Privées de leur passeport dès leur arrivée, elles vont vivre pendant plusieurs mois, entre l'automne et la fin du printemps, dans des baraquements collectifs au confort spartiate. Le quotidien, pour cette main-d'œuvre dure à l'ouvrage, n'a rien d'une sinécure. Certaines sont victimes de harcèlement, moral ou sexuel, et parfois même d'abus sexuels, comme en témoigne un avocat de l'association Défense et droits de l'homme. Dans les exploitations, les saisonnières de Huelva sont taillables et corvéables à merci : « C'est la course, confie l'une d'entre elles. Si tu ne te dépêches pas, si tu ne remplis pas tes 100 cagettes par jour, on te fiche dehors parce qu'il y a toujours quelqu'un pour prendre ta place. » Rares sont celles qui osent se plaindre pourtant. Dans leur pays, grâce à leurs 1 000 euros mensuels, c'est leur famille entière que ces femmes maintiennent sous perfusion.


Un désastre écologique et... sanitaire

Sous perfusion, c'est aussi comme cela que prospèrent ces fraises qui inondent nos étals en plein hiver. A coup d'hectolitres d'engrais et de pesticides - certains sévèrement réglementés par l'Union européenne -, les rendements progressent sans faiblir. Pour produire toujours davantage, les exploitations grignotent aussi, en toute impunité, les espaces forestiers du parc national de Doñana. Bien qu'inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, le parc sert même, à l'occasion, de décharge sauvage à des producteurs peu regardants. Pointant un enchevêtrement de bidons vides ayant contenu des produits phytosanitaires dangereux, Juan, un militant écologiste, a tout compris : « Beaucoup de gens vivent de l'agriculture ici. C'est la raison pour laquelle nous sommes aussi permissifs sur l'utilisation de produits qui devraient être interdits par la loi dans les zones protégées. » Cette surexploitation est une terrible calamité : nappes phréatiques pompées, sols menacés d'infertilité, inquiétudes quant à la pérennité des insectes, des mammifères mais aussi des oiseaux, très nombreux dans cette importante zone de marais. Des désastres qui ne s'arrêtent pas, malheureusement, aux frontières de l'Andalousie puisque, tous les ans, près de 400 000 camions convergent vers Perpignan. Promue plate-forme logistique, la cité catalane sert de base pour acheminer les précieuses barquettes de fruits dans toute l'Europe.

 

Les fraises à la chaîne ©Cinétévé Les fraises à la chaîne
©CinétévéUn fruit empoisonné

« Vous croyez manger un produit sain parce qu'un fruit, c'est un produit naturel, bon pour la santé. Mais, en fait, vous consommez des produits chimiques très dangereux pour la santé », s'inquiète Juan. « Ce n'est pas la dose qui fait le poison, c'est la répétition de la dose, prévient le Pr Belpomme, cancérologue réputé. C'est une vraie bombe à retardement que nous allons avoir à appréhender dans les années à venir. »

Sentant venir les problèmes qui montent en ordre dispersé depuis plusieurs années, des producteurs de Huelva ont décidé d'anticiper. Installant au Maroc leurs exploitations, ils comptent sur des cieux réglementaires plus cléments pour continuer à faire prospérer leur juteux business. Des fraises d'hiver marocaines qui gagnent chaque année des parts de marché sur celles de Huelva. Dieu sait comment elles sont produites...


Source : magazine des programmes de France 5

Partager cet article

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :